28 de noviembre de 2013

Le projet économique du FN passé au crible

LE MONDE | • Mis à jour le | Par
Marine Le Pen lors d'une conférence de presse à Fougères (Ille-et-Vilaine) le 26 octobre.

Marine Le Pen a un objectif : le pouvoir. Pour l'atteindre, la présidente du Front national entend mener deux batailles : d'un côté celle de la dédiabolisation, pour devenir fréquentable, et, de l'autre, celle de la crédibilité. Pour ce faire, Marine Le Pen a voulu dépasser les sujets classiques du FN portés par son père, à savoir la lutte contre l'immigration et le thème de l'insécurité.

Elle a tout misé sur un discours axé sur l'économie et se voulant plus « social ». Lors de son discours d'intronisation en tant que présidente du FN, Mme Le Pen a ainsi longuement développé sa vision d'un Etat stratège et d'une économie sortie de l'euro et de l'Union européenne.
Marine Le Pen a apporté une chose fondamentale au FN : la cohérence en matière économique. Pour la première fois, le parti lepéniste avance une alternative globale. Se référant aux travaux du prix Nobel décédé Maurice Allais, les têtes pensantes du FN se sont attelées à l'élaboration d'un contre-modèle. Ce travail de mise en cohérence de ses propositions n'est pas une mince évolution. Jusqu'à présent le FN n'y était jamais parvenu.
Tous ces efforts sont-ils suffisants pour doter le parti d'extrême droite d'un programme économique crédible ? Et surtout, quel serait le visage d'une économie dirigée par les experts frontistes ?
  • La conquête des ouvriers
Au début de l'histoire frontiste, dans les années 1970 et 1980 notamment, Jean-Marie Le Pen se voulait un « Reagan français ». La mode était à l'ultralibéralisme, aux privatisations et à la déréglementation. M. Le Pen avait repris ce credo.
Le « tournant social du FN » a lieu au début des années 1990. « Nous sommes dans le contexte de la chute du mur de Berlin. Le FN n'est plus obligé de s'opposer à l'interventionnisme et de soutenir l'ultralibéralisme, qui peut rebuter toute une catégorie de l'électorat populaire, note Sylvain Crépon, sociologue et chercheur à Paris-Ouest-Nanterre. Le FN commence à s'adresser à l'électorat populaire, avec le slogan “Le social, c'est le Front national” et le fameux “Ni droite ni gauche”, avec un discours populiste assumé. »
Pour Marine Le Pen, son programme protectionniste vise la conquête des voix ouvrières et de la classe moyenne précarisée. Cela veut dire maintien du niveau de protection sociale, maintien des retraites, etc. L'Etat doit réintervenir pour corriger les déséquilibres les plus sévères de la mondialisation libérale. Le FN n'est évidemment pas anticapitaliste. « Nous ne remettons pas en cause l'économie de marché, ni les bienfaits de la concurrence si elle est loyale », a expliqué Mme Le Pen en 2011. C'est au capitalisme « sans frontières » qu'il s'agit de s'attaquer, formellement au nom de la « restauration de la souveraineté ».
  • Un chiffrage contesté
Le point d'orgue de ce travail de crédibilisation fut le chiffrage du programme économique du FN à quelques mois de la présidentielle. N'ayant pas peur d'en faire trop, Mme Le Pen avait utilisé des mots savants, comme « cinématique » ou « anatocisme des intérêts »
Sa ligne d'horizon est un retour à l'équilibre budgétaire en 2018. Ses chiffres – 97 milliards d'euros de dépenses nouvelles face à 240 milliards de recettes nouvelles – ont été fréquemment contestés. Ainsi, quand le FN évalue à 11,2 milliards d'euros le coût de la revalorisation des petits salaires, l'Institut de l'entreprise ou le think tank Terra Nova évoquent un montant proche de 20 milliards. Au-delà, la critique sur le chiffrage du programme économique porte sur l'impossibilité d'estimer sérieusement l'impact d'une sortie de l'euro, dans la mesure où ce chemin n'a jamais été entrepris par personne.
  • Le refus de la mondialisation
« Le programme du FN est cohérent avec une idéologie qui refuse la mondialisation. Il n'arrive pas dans n'importe quel contexte, et c'est pour cette raison qu'il est attractif », argumente Nicolas Bouzou, directeur d'Asterès, un cabinet de conseil, et auteur de On entend l'arbre tomber mais pas la forêt pousser (JC Lattès, 330 p., 19 euros). « Quand la majorité des économistes disent qu'il faut s'adapter, voire profiter des mutations, le FN propose le repli sur soi avec la sortie de l'euro et le plaidoyer en faveur de la fermeture des frontières », ajoute M. Bouzou.
Selon lui, le FN ne veut pas « s'adapter mais bien éviter les effets de la mondialisation ». Pour M. Bouzou, « ce refus des facteurs de croissance que sont l'insertion dans le commerce mondial et la course à l'innovation, cette autarcie économique, sont les fondements d'un programme réactionnaire qui vise à ressouder le corps social, mais c'est au prix d'un appauvrissement généralisé ».
  • La sortie de l'euro, cœur du programme
Faisant – comme l'UMP ou le PS – de la maîtrise de la dette un impératif national urgent, le FN diffère de ces derniers par le chemin qu'il propose d'emprunter. La colonne vertébrale du programme est la sortie de l'euro.
Une sortie qui devrait être « concertée » avec les partenaires européens de la France, « précédée par une période de négociation de six mois et validée par un référendum ». L'euro deviendrait une monnaie commune coexistant avec le franc rétabli. Selon le FN, une telle sortie aurait pour effet une dévaluation compétitive. « La fin ordonnée de l'euro est la condition de la renaissance économique de la France », lit-on dans le projet de Marine Le Pen. Cet abandon de l'euro s'accompagne d'une reprise de contrôle de la politique monétaire. La Banque de France, en violation des traités européens, retrouverait ses prérogatives d'avant 1973 et pourrait prêter au Trésor sans intérêts.
  • Le protectionnisme
Le versant monétaire du programme est accompagné d'un volet protectionniste. C'est ainsi que le FN prévoit d'instaurer des barrières douanières en limitant ou en taxant les importations de certains produits. En sus, le FN entend créer une taxe de 3 %, baptisée contribution sociale sur les importations, qui frapperait de manière uniforme tous les produits achetés à l'étranger.
  • Les promesses sociales
L'Etat stratège prôné par Marine Le Pen se veut aussi protecteur. Ce qui se traduit par des promesses comme la revalorisation de 200 euros des salaires inférieurs à 1,4 smic (1 500 euros) ; la hausse des pensions de retraite et de réversion ; le relèvement du point d'indice dans la fonction publique ; la baisse des tarifs du gaz, de l'électricité, du train ou de la taxe sur les carburants.