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Par Anne Eveno et Abel
Marine Le Pen a un objectif : le pouvoir. Pour l'atteindre, la présidente du Front national entend mener deux batailles : d'un côté celle de la dédiabolisation, pour devenir fréquentable, et, de l'autre, celle de la crédibilité. Pour ce faire, Marine Le Pen a voulu dépasser les sujets classiques du FN portés par son père, à savoir la lutte contre l'immigration et le thème de l'insécurité.
Elle a tout misé sur un discours axé sur l'économie et se voulant plus « social ». Lors de son discours d'intronisation en tant que présidente du FN, Mme Le Pen a ainsi longuement développé sa vision d'un Etat stratège et d'une économie sortie de l'euro et de l'Union européenne.Marine Le Pen a apporté une chose fondamentale au FN : la cohérence en matière économique. Pour la première fois, le parti lepéniste avance une alternative globale. Se référant aux travaux du prix Nobel décédé Maurice Allais, les têtes pensantes du FN se sont attelées à l'élaboration d'un contre-modèle. Ce travail de mise en cohérence de ses propositions n'est pas une mince évolution. Jusqu'à présent le FN n'y était jamais parvenu.
Lire aussi : Comment le FN veut conquérir le pouvoir
Tous ces efforts sont-ils suffisants pour doter
le parti d'extrême droite d'un programme économique crédible ? Et
surtout, quel serait le visage d'une économie dirigée par les experts
frontistes ?- La conquête des ouvriers
Le « tournant social du FN » a lieu au début des années 1990. « Nous sommes dans le contexte de la chute du mur de Berlin. Le FN n'est plus obligé de s'opposer à l'interventionnisme et de soutenir l'ultralibéralisme, qui peut rebuter toute une catégorie de l'électorat populaire, note Sylvain Crépon, sociologue et chercheur à Paris-Ouest-Nanterre. Le FN commence à s'adresser à l'électorat populaire, avec le slogan “Le social, c'est le Front national” et le fameux “Ni droite ni gauche”, avec un discours populiste assumé. »
Pour Marine Le Pen, son programme protectionniste vise la conquête des voix ouvrières et de la classe moyenne précarisée. Cela veut dire maintien du niveau de protection sociale, maintien des retraites, etc. L'Etat doit réintervenir pour corriger les déséquilibres les plus sévères de la mondialisation libérale. Le FN n'est évidemment pas anticapitaliste. « Nous ne remettons pas en cause l'économie de marché, ni les bienfaits de la concurrence si elle est loyale », a expliqué Mme Le Pen en 2011. C'est au capitalisme « sans frontières » qu'il s'agit de s'attaquer, formellement au nom de la « restauration de la souveraineté ».
- Un chiffrage contesté
Sa ligne d'horizon est un retour à l'équilibre budgétaire en 2018. Ses chiffres – 97 milliards d'euros de dépenses nouvelles face à 240 milliards de recettes nouvelles – ont été fréquemment contestés. Ainsi, quand le FN évalue à 11,2 milliards d'euros le coût de la revalorisation des petits salaires, l'Institut de l'entreprise ou le think tank Terra Nova évoquent un montant proche de 20 milliards. Au-delà, la critique sur le chiffrage du programme économique porte sur l'impossibilité d'estimer sérieusement l'impact d'une sortie de l'euro, dans la mesure où ce chemin n'a jamais été entrepris par personne.
Lire aussi l'avis d'économistes : « Le programme du FN produirait un profond et durable appauvrissement »
- Le refus de la mondialisation
Selon lui, le FN ne veut pas « s'adapter mais bien éviter les effets de la mondialisation ». Pour M. Bouzou, « ce refus des facteurs de croissance que sont l'insertion dans le commerce mondial et la course à l'innovation, cette autarcie économique, sont les fondements d'un programme réactionnaire qui vise à ressouder le corps social, mais c'est au prix d'un appauvrissement généralisé ».
- La sortie de l'euro, cœur du programme
Une sortie qui devrait être « concertée » avec les partenaires européens de la France, « précédée par une période de négociation de six mois et validée par un référendum ». L'euro deviendrait une monnaie commune coexistant avec le franc rétabli. Selon le FN, une telle sortie aurait pour effet une dévaluation compétitive. « La fin ordonnée de l'euro est la condition de la renaissance économique de la France », lit-on dans le projet de Marine Le Pen. Cet abandon de l'euro s'accompagne d'une reprise de contrôle de la politique monétaire. La Banque de France, en violation des traités européens, retrouverait ses prérogatives d'avant 1973 et pourrait prêter au Trésor sans intérêts.
- Le protectionnisme
- Les promesses sociales