21 de septiembre de 2014

Les esprits de la mangrove

Ni hommes ni femmes, les tida wena ont longtemps joui d’un statut respecté dans l’ethnie vénézuélienne des Waraos. L’irruption de la modernité les a toutefois fragilisés, venant bouleverser des traditions vieilles de 8 500 ans.
Le tida wena Andres Medina aide sa famille à récolter l’okumo chino, une sorte d’igname. 
© Álvaro Laiz/Parallelozero Le tida wena Andres Medina aide sa famille à récolter l’okumo chino, une sorte d’igname.

© Álvaro Laiz/Parallelozero
Entre autres projets, le photographe espagnol Alvaro Laiz a développé un intérêt particulier pour les identités transgenres dans les populations nomades ou indigènes. Cette quête l’a conduit à rencontrer les Indiens Waraos du Venezuela, un peuple nomade du delta de l’Orénoque, dans le nord-est du pays. Cette communauté très ancienne installe ses villages lacustres, composés de huttes en bois de palme, sur les marécages et se déplace en pirogue. Le mot warao signifie “maître de la pirogue”. Société matriarcale, l’ethnie warao a toujours compté en son sein un nombre régulier d’individus transgenres, les tida wena. Ces derniers, qui sont parfois d’anciennes épouses d’un conjoint polygame, accomplissent les tâches ménagères et se chargent de l’éducation des enfants. Les transgenres officient parfois en tant que chamans. De fait, les Waraos estiment qu’ils possèdent un “double esprit”, féminin et masculin. Une dualité qui leur facilite l’accès aux âmes des ancêtres qui rôdent dans la jungle… Historiquement, les tida wena étaient parfaitement acceptés et respectés par la communauté. Cela a toutefois commencé à évoluer ces dernières décennies, à mesure que l’essor de l’exploitation pétrolière et du tourisme sortaient les Waraos de leur isolement. Sujet d’opprobre social, le sida a commencé à faire des ravages, et “des populations à risque comme les tida wena et les homosexuels ont souvent été rejetées et accusées d’être responsables de l’épidémie”, commente Alvaro Laiz.
 
LE PHOTOGRAPHE — Álvaro Laiz
Álvaro LaizFormé à l’Ecole des arts visuels de l’université de Salamanque, le photographe espagnol Alvaro Laiz, né en 1981, a publié son travail dans les magazines et les journaux du monde entier, du Sunday Times au National Geographic, de Marie-Claire à El País. Il a très tôt choisi de s’intéresser aux populations meurtries par des conflits et à des minorités menacées d’exclusion. C’est ainsi qu’il a fréquemment accompagné des ONG sur leur terrain d’intervention en Afrique, en Asie ou en Amérique latine. Ses reportages ont été récompensés à plusieurs reprises par des prix internationaux.