En quelques jours, l’atmosphère de la campagne électorale présidentielle a bien changé ! C’est assez normal puisqu’elle approche de son terme. Un grand bouleversement s’y produit avec la percée de ma candidature. Désormais, on s’accorde à penser que je pourrais accéder au deuxième tour et que, dans cette hypothèse, je battrais très nettement madame Le Pen. Dès lors, beaucoup de nervosité s’est manifestée chez mes concurrents et chez plusieurs de ces commentateurs inamovibles une nouvelle fois pris à revers parce qu’ils n’avaient rien vu venir et parce qu’ils ne comprennent toujours rien à ce qui se passe. Du coup, plusieurs analystes et candidats ont totalement perdu leur sang-froid. L’ambiance me rappelle ce que nous avons connu en 2005, quand toute la caste des superstructures politiques et intellectuelles du pays s’était mobilisée dans une rageuse haine des tenants du « non » au référendum constitutionnel européen. La rage est de retour.
De nouveau on annonce avec ma victoire électorale l’arrivée de l’hiver nucléaire, des pluies de grenouilles, les chars de l’Armée Rouge et le débarquement des Vénézuéliens. C’est souvent si trivial que je crois pouvoir en attendre l’effet exactement inverse : aucune personne sérieuse ne peut accorder de l’importance à de telles divagations. Que ceux qui s’en rendent responsable puissent l’ignorer témoigne de l’indicible mépris qu’ils ont pour l’intelligence de leurs concitoyens. Je ne veux nommer ici personne pour n’ouvrir aucune querelle subalterne à l’intérieur de ma campagne. Mais qu’une commentatrice puisse dire que mon projet « c’est l’URSS des années 50 » est tellement frappant ! Naturellement elle-même n’y croit pas. Mais alors comment fait-elle pour penser que d’autres puissent être assez stupides pour le croire ? Et cette autre qui affirme tantôt que « il n’a pas de programme », tantôt « son programme n’est pas chiffré » et pour finir « il a eu l’habilité de n’avoir aucun point saillant dans son programme » !
Il est évident alors que l’intéressée n’a rien suivi du déroulement de la campagne depuis des mois et s’est contentée de répéter les leçons des dîners en ville auquels elle participe. Cruel réveil des paresseux qui n’ont pas fait leur travail ! Ainsi, il y a une façon de me critiquer qui valide totalement ma critique de ce petit monde ! Elle donne tout son sens à ce cri qui monte dorénavant dans mes meetings : « dégagez-les ! ». La caste qui hurle à la mort à mon sujet en vient même à oublier qu’elle est censée combattre madame Le Pen. Peut-être parce que ces grands esprits découvrent comment le piège destiné à élire sans autre discussion quiconque serait opposé à elle au deuxième tour se retourne contre ceux qui l’ont inventé et peaufiné pendant tant d’années ! Car voici également que les sondages m’annoncent vainqueur beaucoup plus largement que d’autres face à l’extrême droite.
Je crois bien que notre meeting à Marseille
est davantage qu’un événement de campagne électorale. Comme tout
rassemblement populaire de cette ampleur, il donne à voir quelque chose
du fond politique du pays lui-même. Peut-être que s’il fallait résumer
le tout en un seul instant, ce serait celui de la minute de silence
devant la Méditerranée, à la mémoire de ceux qui ont péri en mer dans
les vagues d’émigration actuelles. Ainsi a été prouvé que notre peuple
ne se confond pas avec les propos insupportables que l’extrême droite de
Madame Le Pen prétend exprimer en son nom. Ensuite, l’adhésion qui
s’est exprimée avec mon discours sur la paix avait un caractère profond
et réfléchi et non pas seulement émotif. Qui regarde de nouveau la vidéo
de ce rassemblement voit que les gens suivent chapitre par chapitre la
démonstration que je fais et réagissent à des mots bien particuliers.
Ainsi Marseille en dit long sur les courants d’opinion qui labourent
notre pays et dont je suis le porte-parole dans le sens le plus littéral
du terme.
Sur le plan personnel j’étais particulièrement heureux de pouvoir brandir ce rameau d’olivier. J’ai pour cet arbre une affection spéciale. C’est l’arbre immortel dit-on. Je sais que si vieux, si chenu et si calciné qu’il puisse paraître, il survient toujours une saison où il porte de nouveau des fleurs et donne des fruits. Ce symbole m’émeut plus que jamais. Évidemment, il s’agit aussi de l’arbre de la paix. Sur les armes de notre République on le voit à côté du chêne qui incarne de son côté la force tranquille. Le petit rameau que j’avais d’abord passé dans la poche de ma veste puis que j’ai tenu à la main a aussi son histoire. La voici.
En me rendant vers la loge où j’ai attendu l’heure du meeting, j’ai croisé un homme qui avait une petite brassée de rameaux d’olivier à la main. Je l’ai abordé et je lui ai demandé s’il accepterait de m’en donner un petit bout. C’était une personne souriante et bienveillante. Elle m’a reconnu et m’a dit qu’elle était heureuse de pouvoir me serrer la main, ce que j’ai fait avec plaisir. La rencontre m’a paru si naturelle et le geste si simple ! Tant et si bien que je n’y ai pas réfléchi plus avant sur le moment. Une fois assis dans ma loge, buvant mon eau gazeuse, je me suis demandé soudain pourquoi cet homme se promenait avec des branchettes d’olivier à la main. J’ai réalisé à ce moment-là que ce dimanche était celui des rameaux, un moment particulier de la liturgie chrétienne. Dans le nord du pays, on use du buis pour cet office. Mais si religieuse qu’ait été la raison d’être de ce rameau dans les mains de cet homme passant jusqu’aux miennes, je ne crois pas en avoir trahi le sens en l’utilisant comme emblème politique d’un désir de paix dans le monde. Si bien que je me réjouis de ce « concours de circonstances », comme on dit, et des symboles qu’il portait en lui.
Le rassemblement sur la Canebière et sur le côté gauche du Vieux Port a commencé bien avant l’heure. Le moment venu, quand j’ai pris la parole, certains avaient déjà attendu pendant au moins une heure trente. Pendant que je parlais, j’ai noté je ne sais combien de malaises dans la foule et autant d’interventions des secouristes. En tout cas, les images que j’ai pu observer depuis sont saisissantes. Mais de là où je me trouvais je ne pouvais en prendre pleinement conscience tant la distance était grande des premiers rangs aux derniers vers le haut de la Canebière où le fond du Vieux Port.
Parfois je me retournais vers la mer. J’y vis un bateau dont la voile était à mon nom ! En effet, j’ai compris en arrivant vers l’estrade que plusieurs amis se trouveraient derrière moi. À la vérité je n’ai reconnu personne sinon Danielle Simonnet que j’étais si heureux de trouver à mes côtés à cet instant si fondateur. Je n’ai identifié à part elle qu’un visage : celui de mon ami Hamma Hammami, le dirigeant du Front populaire de Tunisie avec qui j’entretiens des rapports personnels et politiques de longue date. À la fin, épuisé, et la voix déjà un peu cassée, j’ai retrouvé dans ma tente Jean-Marc Coppola, dirigeant communiste marseillais, avec qui j’échange assez régulièrement. Il m’offrait un livre. L’évocation de ces quelques échanges furtifs me permet de souligner comment un discours dans un tel lieu, sur de tels sujets est un événement singulier, quasiment hors du temps, dans la vie d’une personne engagée politiquement comme je le suis.
La présence de Hamma Hammami, qui avait d’abord passé avec moi un long moment dans ma loge, avait bien commencé à faire poindre ce sentiment. Je savais que je ne parlais pas à l’usage exclusif de notre campagne électorale, comme je l’ai dit en commençant. Je savais quelle responsabilité singulière est engagée par notre action. De tous côtés, sur les bords de la Méditerranée, on nous regarde, on partage notre espérance. Partout ils savent que notre résultat électoral fécondera d’une manière inouïe leurs propres combats. D’ailleurs, le même jour, j’ai reçu des messages de soutien de l’ancienne présidente du Parlement grec : Zoé Konstantopoulou. Et aussi de Pablo Iglesias qui, depuis lors, appuie officiellement ma candidature. De plus, parmi les 31 000 personnes qui ont suivi le discours de Marseille sur ma chaîne YouTube ou ma page Facebook, parmi les 550 000 qui l’ont fait sur les chaînes d’information en continu, un certain nombre se situaient hors de France, en Méditerranée.
Je ne compte pas résumer ici ni expliquer chacun des événements de campagne qui ont émaillé cette fin de semaine-là. Mais il faut se souvenir de ce déploiement : le journal de 20 heures de France 2, le lancement du jeu vidéo « Fiscal Kombat », l’émission « On n’est pas couché » puis le meeting de Marseille rediffusé sur deux chaînes d’information en continu, donnant lieu ensuite à nombre d’émissions de commentaires. Chacun aura remarqué que cela était particulièrement dense. À dessein, cela va de soi.
La semaine suivante a commencé en fanfare. Je pense en particulier à l’inauguration de notre Web radio, « les jours heureux » qui émettra dorénavant matin et soir chaque jour. Les sept caravanes ont commencé leur périple en direction des quartiers populaires et le camion central continue ses pérégrinations avec nos orateurs nationaux. C’est ici un travail en profondeur qui prévoit cent-une étapes dans les secteurs les plus abstentionnistes du pays. Ces secteurs qui sont également visés par la campagne d’appels téléphoniques qui a déjà permis de contacter plus de 20 000 personnes.
Je relève tout cela, en laissant de côté maints autres outils de campagne, pour bien faire comprendre à mon lecteur que nous sommes entrés dans la phase de l’élan final. On ne peut en rester à l’idée que tout est organisé exclusivement à partir des initiatives du comité opérationnel central de campagne. C’est le moment pour le grand nombre des insoumis de s’engager personnellement. Chacun le peut si modestement que ce soit. La plate-forme jlm2017.fr propose mille manières de le faire. La plus simple est encore d’établir sa propre liste de contacts à qui proposer notre bulletin de vote. Puis vérifier jusqu’au dernier jour que l’engagement pris en ce sens sera tenu. Il est parfois démoralisant de penser qu’un pour cent du corps électoral se détermine en entrant dans l’isoloir ! Mais c’est aussi une façon de se rappeler que jusqu’au dernier moment tout effort a du sens.
Sur le plan personnel j’étais particulièrement heureux de pouvoir brandir ce rameau d’olivier. J’ai pour cet arbre une affection spéciale. C’est l’arbre immortel dit-on. Je sais que si vieux, si chenu et si calciné qu’il puisse paraître, il survient toujours une saison où il porte de nouveau des fleurs et donne des fruits. Ce symbole m’émeut plus que jamais. Évidemment, il s’agit aussi de l’arbre de la paix. Sur les armes de notre République on le voit à côté du chêne qui incarne de son côté la force tranquille. Le petit rameau que j’avais d’abord passé dans la poche de ma veste puis que j’ai tenu à la main a aussi son histoire. La voici.
En me rendant vers la loge où j’ai attendu l’heure du meeting, j’ai croisé un homme qui avait une petite brassée de rameaux d’olivier à la main. Je l’ai abordé et je lui ai demandé s’il accepterait de m’en donner un petit bout. C’était une personne souriante et bienveillante. Elle m’a reconnu et m’a dit qu’elle était heureuse de pouvoir me serrer la main, ce que j’ai fait avec plaisir. La rencontre m’a paru si naturelle et le geste si simple ! Tant et si bien que je n’y ai pas réfléchi plus avant sur le moment. Une fois assis dans ma loge, buvant mon eau gazeuse, je me suis demandé soudain pourquoi cet homme se promenait avec des branchettes d’olivier à la main. J’ai réalisé à ce moment-là que ce dimanche était celui des rameaux, un moment particulier de la liturgie chrétienne. Dans le nord du pays, on use du buis pour cet office. Mais si religieuse qu’ait été la raison d’être de ce rameau dans les mains de cet homme passant jusqu’aux miennes, je ne crois pas en avoir trahi le sens en l’utilisant comme emblème politique d’un désir de paix dans le monde. Si bien que je me réjouis de ce « concours de circonstances », comme on dit, et des symboles qu’il portait en lui.
Le rassemblement sur la Canebière et sur le côté gauche du Vieux Port a commencé bien avant l’heure. Le moment venu, quand j’ai pris la parole, certains avaient déjà attendu pendant au moins une heure trente. Pendant que je parlais, j’ai noté je ne sais combien de malaises dans la foule et autant d’interventions des secouristes. En tout cas, les images que j’ai pu observer depuis sont saisissantes. Mais de là où je me trouvais je ne pouvais en prendre pleinement conscience tant la distance était grande des premiers rangs aux derniers vers le haut de la Canebière où le fond du Vieux Port.
Parfois je me retournais vers la mer. J’y vis un bateau dont la voile était à mon nom ! En effet, j’ai compris en arrivant vers l’estrade que plusieurs amis se trouveraient derrière moi. À la vérité je n’ai reconnu personne sinon Danielle Simonnet que j’étais si heureux de trouver à mes côtés à cet instant si fondateur. Je n’ai identifié à part elle qu’un visage : celui de mon ami Hamma Hammami, le dirigeant du Front populaire de Tunisie avec qui j’entretiens des rapports personnels et politiques de longue date. À la fin, épuisé, et la voix déjà un peu cassée, j’ai retrouvé dans ma tente Jean-Marc Coppola, dirigeant communiste marseillais, avec qui j’échange assez régulièrement. Il m’offrait un livre. L’évocation de ces quelques échanges furtifs me permet de souligner comment un discours dans un tel lieu, sur de tels sujets est un événement singulier, quasiment hors du temps, dans la vie d’une personne engagée politiquement comme je le suis.
La présence de Hamma Hammami, qui avait d’abord passé avec moi un long moment dans ma loge, avait bien commencé à faire poindre ce sentiment. Je savais que je ne parlais pas à l’usage exclusif de notre campagne électorale, comme je l’ai dit en commençant. Je savais quelle responsabilité singulière est engagée par notre action. De tous côtés, sur les bords de la Méditerranée, on nous regarde, on partage notre espérance. Partout ils savent que notre résultat électoral fécondera d’une manière inouïe leurs propres combats. D’ailleurs, le même jour, j’ai reçu des messages de soutien de l’ancienne présidente du Parlement grec : Zoé Konstantopoulou. Et aussi de Pablo Iglesias qui, depuis lors, appuie officiellement ma candidature. De plus, parmi les 31 000 personnes qui ont suivi le discours de Marseille sur ma chaîne YouTube ou ma page Facebook, parmi les 550 000 qui l’ont fait sur les chaînes d’information en continu, un certain nombre se situaient hors de France, en Méditerranée.
Je ne compte pas résumer ici ni expliquer chacun des événements de campagne qui ont émaillé cette fin de semaine-là. Mais il faut se souvenir de ce déploiement : le journal de 20 heures de France 2, le lancement du jeu vidéo « Fiscal Kombat », l’émission « On n’est pas couché » puis le meeting de Marseille rediffusé sur deux chaînes d’information en continu, donnant lieu ensuite à nombre d’émissions de commentaires. Chacun aura remarqué que cela était particulièrement dense. À dessein, cela va de soi.
La semaine suivante a commencé en fanfare. Je pense en particulier à l’inauguration de notre Web radio, « les jours heureux » qui émettra dorénavant matin et soir chaque jour. Les sept caravanes ont commencé leur périple en direction des quartiers populaires et le camion central continue ses pérégrinations avec nos orateurs nationaux. C’est ici un travail en profondeur qui prévoit cent-une étapes dans les secteurs les plus abstentionnistes du pays. Ces secteurs qui sont également visés par la campagne d’appels téléphoniques qui a déjà permis de contacter plus de 20 000 personnes.
Je relève tout cela, en laissant de côté maints autres outils de campagne, pour bien faire comprendre à mon lecteur que nous sommes entrés dans la phase de l’élan final. On ne peut en rester à l’idée que tout est organisé exclusivement à partir des initiatives du comité opérationnel central de campagne. C’est le moment pour le grand nombre des insoumis de s’engager personnellement. Chacun le peut si modestement que ce soit. La plate-forme jlm2017.fr propose mille manières de le faire. La plus simple est encore d’établir sa propre liste de contacts à qui proposer notre bulletin de vote. Puis vérifier jusqu’au dernier jour que l’engagement pris en ce sens sera tenu. Il est parfois démoralisant de penser qu’un pour cent du corps électoral se détermine en entrant dans l’isoloir ! Mais c’est aussi une façon de se rappeler que jusqu’au dernier moment tout effort a du sens.
Je suis déjà fatigué d’être fatigué. En effet, j’ai utilisé l’argument de ma fatigue à Châteauroux pour obtenir d’un commentateur bruyant qui s’exprimait en criant à chacune de mes phrases pendant le meeting, qu’il veuille bien cesser de le faire. Je pensais que c’était un argument amical plus à propos que le rabrouement que ce comportement méritait. Qui a connu un jour ce genre d’expérience sait combien il est difficile de parler sans notes tout en étant interrompu sans cesse. Sur le plateau du débat sur BFM TV, François Fillon trop souvent interrompu a fait cette remarque : « vous m’avez fait perdre le fil de mon raisonnement ». Banal.
Mais de mes mots a surgi un thème dorénavant récurrent. Je serais « fatigué », et même « très fatigué », sans parler de mon « teint pâle » et ainsi de suite. Ainsi, si je n’ai parlé qu’une heure à Marseille, ce n’est pas parce que j’ai pris en considération le fait que la foule patientait parfois depuis plusieurs heures sous le soleil, mais parce que j’aurais été « fatiguéééééé ».
Je le suis, raisonnablement. Notez qu’il y a de quoi. Je suis entré en campagne en février 2016. C’est un très long parcours ! Et jusqu’au mois dernier j’ai dû combattre avec mes amis sur tous les fronts à la fois, ce qui n’est pas le moins usant ! C’est-à-dire qu’il m’a fallu non seulement combattre pour faire entendre nos idées, non seulement pour combattre celles de nos adversaires, mais surtout pour contrer les lancinantes et répétitives mises en cause, tantôt de mon caractère, tantôt de mes choix, tous ramenés à des problèmes d’égo par des bavardages psychologisants de gens eux-mêmes passablement perturbés sur ce plan pour en parler sans cesse. Sans oublier les glapissements des amis de « l’unitéééé » dont le silence est enfin venu depuis que leurs refrains ont cessé de pouvoir me desservir !
Cette exagération des espoirs que mon éventuelle faiblesse pourrait faire surgir ne va pas s’arrêter, je le devine ! Comme on le sait, les horoscopes sont favorables ces temps derniers. Du coup, me voici à la mode aussi dans certains salons. Et cela me vaut, ou bien des compliments parfois excessifs, ou bien des imprécations sidérées et furieuses. Sans compter l’énorme pollution de ceux qui répondent ou s’inquiètent de propos que j’aurais tenus selon ce que leur en a dit Pierre, Paul ou Jacques et qui chaque jour m’abreuvent de leur conseil sur ce que je devrais préciser, à propos des contrats de locataires, du nombre de VAB dans l’armée ou de tel thème « dont personne ne parle jamais », et dont je devrai me saisir immédiatement pour être sûr de gagner l’élection. Il en va de même dans les rédactions.
Je ne peux cacher combien je m’amuse lorsque je lis certaines descriptions concernant les malheurs qui s’abattraient sur le pays si j’étais élu. C’est à ce genre d’épisode que je peux mesurer mon entrée dans la cour des grands. Car comment pourrais-je oublier qu’avant moi François Mitterrand était déjà accusé de vouloir faire venir les chars de l’Armée Rouge 24 heures après son élection ! Quand je lis que je suis devenu un « risque » pour la sphère financière au point de faire augmenter la différence de taux auquel on prête à l’Allemagne et à la France, j’éclate de rire ! Quelle trouvaille ! Les marchés ne se soucieraient pas de l’exposition différente de l’Allemagne et de la France dans le conflit en Syrie, 24 heures après le bombardement de Trump ! Mais ils frémissent deux heures après que j’ai gagné un point dans un sondage. Naturellement, pas une personne sérieuse ne peut croire une telle fable !
En tout cas, les gens que ce type d’information peut intéresser n’en restent pas, je l’espère, à ce qu’en dit le journal Les Échos. Car alors ils auraient d’autres raisons de s’inquiéter. En réalité, le taux des emprunts à 10 ans reste extrêmement bas. Et s’il faut les rapprocher pour je ne sais quelle mystérieuse raison de la position de monsieur Fillon et de moi-même dans les sondages, alors voici la vérité, elle est exactement l’inverse de ce qu’en dit le soi-disant expert économique : ce taux est plus bas aujourd’hui qu’il était il y a un mois quand monsieur Fillon était loin devant moi dans les sondages. Ça va donc mieux sur les marchés financiers ! Grace à moi ? Mieux vaut donc en rire. Mais ce genre d’informations bidons de pure propagande est une honte. Est-ce là le métier de journaliste qui consiste à donner des informations vérifiées ? C’est du militantisme politique. Le bobard a un but : effrayer l’épargnant et le bon peuple, même s’il n’a pourtant aucune idée de ce que sont ces taux de change ni de ce que valent ces 70 points d’augmentation qui s’ajoutent pour la France, quand bien même ce sont des points après la virgule !
Je m’attends à pire d’ici le premier tour. En 2012, chaque matin de la dernière semaine s’ouvrait avec une boule puante. Un jour c’était le mystérieux « repas secret avec Henri Guaino ». En effet j’avais bien partagé un repas fort agréable avec lui, six mois auparavant, dans la discrétion que l’on imagine sur la terrasse de l’Institut du Monde arabe ! Puis ce furent des « révélations » sur mon « amitié » avec Monsieur Patrick Buisson, une fable piquante reprise encore en pleine page du « Monde » des années plus tard encore. Depuis, l’intéressé lui-même a remis l’anecdote à sa place, à la vérité fort modeste, puisque nous ne connaissons tout juste, et que nous ne nous fréquentons guère quoiqu’une roborative antinomie intellectuelle nous oppose.
Le sommet fut atteint le vendredi avant la clôture de la campagne de 2012 avec une photo dans un gratuit à 4 millions d’exemplaires sous le titre « la photo embarrassante ». On m’y voyait aux côtés de Bachar el-Assad, marchant d’un pas décidé et regardant dans la même direction. La photo avait déjà dix ans mais cela n’était pas dit. Et la publication oubliait aussi de mentionner qu’on me voyait là en tant que ministre raccompagnant protocolairement l’alors tout nouveau président de la Syrie venu rendre visite à Jacques Chirac et Lionel Jospin. À l’époque, c’étaient les organes de propagande du PS qui diffusaient ces flèches de dernière minute. Il s’agissait pour François Hollande et ses amis de me faire passer pour un agent électoral de la droite cherchant à l’empêcher de triompher dès le premier tour. La canonnade du vote utile tonnait alors à feu continu !
Cette fois-ci, j’ai déjà eu un avant-goût de ce qui pourrait se jouer en utilisant les délires de quelques énergumènes à qui le goût de se mettre dans la lumière suggère d’émouvantes révélations. Ainsi de cet illuminé qui m’accusait il y a 20 ans d’avoir tué les autruches de son zoo privé à coup de batte de base-ball ! Ça n’arrive qu’à moi de croiser de tels personnages. Celui-là a jailli de nouveau de sa boîte pour insulter ma famille. Des plumes, heureusement rares, se sont présentées pour recueillir ses odorantes éructations. D’autres fois se sont des « amis », véritables professionnels de la confidence fielleuse, qui m’ont odieusement trahi dans le passé mais qui continuent à tirer de nos anciennes relations une rente médiatique qui leur vaut d’être interrogés à intervalles réguliers sur mon caractère, mes habitudes et ainsi de suite, le tout étant publié avec délectation, quand bien même ne les ai-je plus approchés depuis souvent plus de 10 ans.
Notez-le bien, quiconque a perdu une partie de billes avec moi dans la cour de récréation, qui que ce soit qui n’ait obtenu de moi les faveurs qu’il en attendait quand j’en avais le pouvoir, qui a eu sa querelle avec moi d’une façon ou d’une autre au cours des soixante dernières années, en politique, en amitié, en amour, en littérature, à la pétanque, au volley de plage, dans l’un ou l’autre des innombrables bureaux politiques où j’ai siégé : le voyeurisme d’un jour est à portée de main, la délectation morose est à portée de fiel. Je sais que ma longue vie passionnée et engagée en a semé de tous côtés et je sais de quels abîmes de rancœurs et de jalousies une vie bien remplie peut être entourée ! Je me tiens prêts pour une quinzaine follement vintage !
Dans un registre plus spécifiquement politique, je connais l’indépassable trilogie : Poutine, sortie de l’euro, Chavez. Naturellement, il existe encore de nombreuses variantes tout aussi ridicules venant en interprétation de mes positions. J’ai cru longtemps qu’il pouvait s’agir de malentendus ou d’incompréhensions. Mais après m’être tant expliqué, après avoir tant de fois détaillé ma position, je sais qu’il s’agit de pure malveillance et d’une volonté délibérée de tromper ceux à qui ce type de message s’adresse. C’est pourquoi je suis parfois si déçu retrouver les arguments de cette propagande dans la bouche de gens que j’estimais. Ceci dit, cela m’aide à grandir en apprenant à me passer de gens dont je vois bien qu’ils n’en valent pas la peine puisqu’ils recourent à de tels procédés. Tout le reste m’est devenu si léger au fil du temps !
La haine recuite des diverses variétés d’ultras régionalistes, celle des identitaires, des néonazis, des islamistes, du CRIF et d’une façon générale de tous les obscurantismes communautaristes, forment une cohue confuse dont le harcèlement est devenu aussi banal à mes oreilles que le passage des voitures de pompiers, toutes sirènes hurlantes, dans la rue dans laquelle j’habite. Je fais avec.
Mais vous mes amis qui me lisez, rendez-moi ce service : ne propagez pas par vos indignations les calomnies dont je fais l’objet ! Apprenez à reconnaître une bonne fois les trolls qui pourrissent vos échanges sur les réseaux sociaux et ne relancez pas sans cesse l’orage. Dans les polémiques, faites l’immense effort d’en rester toujours à des arguments rationnels. Et par-dessus tout souvenez-vous que l’humour et la dérision sont les diluants et les détachants les plus efficaces après les giclées salissantes !
Je veux dire ici mon étonnement que la question du logement soit totalement absente de la campagne présidentielle. Je comprends parfaitement la protestation de la Confédération nationale des locataires face à l’absence de ce thème dans les deux débats télévisés entre candidats. C’est d’autant plus surprenant que le débat de BFMTV avait lieu 4 jours après la fin de la trêve hivernale des expulsions de locataires. Et au lendemain d’un appel de la Fondation Abbé Pierre pour mettre en débat l’objectif « Zéro SDF ». Pour ma part, je reprends totalement cet objectif « Zéro SDF ». Il figure dans mon programme L’Avenir en commun. Et je suis heureux de voir les convergences entre les solutions avancées par la Fondation Abbé Pierre et le livret thématique de la France insoumise sur le logement.
L’appel de la Fondation Abbé Pierre pour « Zéro SDF » est un événement. Il s’agit évidemment d’attirer l’attention des médias sur les 2 000 personnes qui meurent chaque année d’abandon dans la rue. Mais plus largement sur les 143 000 personnes sans domicile fixe dans notre pays, c’est-à-dire vivant dans la rue, dans des bidonvilles, à l’hôtel ou dans des centres d’hébergement d’urgence ! Leur nombre a doublé depuis 2001 ! Et sur ces 143 000 SDF, 30 000 sont des mineurs ! Je veux aussi rappeler qu’un appel téléphonique sur deux au numéro d’urgence pour les personnes sans abri, le 115, n’obtient pas de réponse.
L’appel de la Fondation Abbé Pierre est paru trois jours après la fin de la trêve hivernale. Cette trêve interdit les expulsions de locataires par leurs propriétaires entre le 1er novembre et le 31 mars. En 2014, 130 000 décisions de justice ont prononcé l’expulsion d’un locataire pour impayé de loyer. Et 14 400 expulsions ont été pratiquées avec le concours des forces de police. Ce chiffre est en hausse de 24% par rapport à l’année précédente. Mais souvent les locataires partent d’eux-mêmes, sans attendre l’intervention de la force publique pour les mettre hors de chez eux. Commence alors pour tous ces gens une errance terrible, faite d’hébergement chez des proches ou dans des hôtels pour ceux qui le peuvent et qui finit souvent dans la rue.
Mais la Fondation ne se contente pas de protester ni de déclamer un objectif généreux. Elle propose dans le même temps des solutions et un calendrier pour y parvenir. Son directeur des études Manuel Domergue insiste bien sur le fait que sa proposition n’est « ni démagogique, ni irréalisable car d’autres pays y parviennent, par exemple la Finlande » dont il dit s’inspirer. La Fondation réclame en particulier une loi de programmation pluriannuelle pour atteindre l’objectif. Le moment venu, si c’est nous qui gouvernons, on pourra donc certainement compter sur son expertise dans la mise en œuvre concrète de ces solutions. Elle propose d’atteindre le « Zéro SDF » en dix ans dans les métropoles, cinq ans dans les villes petites et moyennes. Notre programme réclame qu’on fixe cet objectif à cinq ans.
Nos propositions et celles de la Fondation Abbé Pierre sont très proches. Elles couvrent les différents aspects du problème posé. Le premier aspect c’est évidemment de stopper d’abord la machine à fabriquer de nouveaux SDF. Pour cela, nous interdirons les expulsions locatives sans solution de relogement. Notez d’ailleurs qu’il coûte moins cher d’aider un ménage à rester chez lui que de subventionner ensuite sa prise en charge à l’hôtel ! Et dans l’immédiat, la loi permettant la réquisition de logements et bâtiments vacants devrait être appliquée avec vigueur pour trouver ces solutions de relogement.
Evidemment, cela suppose de baisser les loyers dans les métropoles et de garantir leur paiement aux propriétaires si le locataire ne peut faire face. C’est là notre idée d’une garantie universelle des loyers, propositions communes à la Fondation et à la France insoumise. Une mesure proche avait été introduite dans la loi ALUR de Mme Duflot avant d’être abandonnée. La Confédération nationale du Logement défend une idée similaire sous le nom de « Sécurité sociale du Logement » qui résume bien l’état d’esprit et les principes en jeu. Cette garantie fonctionnerait sur le modèle des assurances ou de la Sécurité sociale : une petite cotisation serait prélevée sur les loyers perçus ou les transactions immobilières, elle alimenterait une caisse nationale de solidarité, puis on puiserait dans cette caisse pour stabiliser le paiement du loyer le temps que le locataire reprenne pied financièrement ou qu’on lui trouve un autre logement stable.
Mais cela ne suffit pas. Il y a besoin de construire davantage de logements sociaux, accessibles en particulier aux plus précarisés. La Fondation Abbé Pierre dit qu’il faut en construire 150 000 par an, nous proposons 200 000. Mais la Fondation insiste surtout sur la priorité à accorder aux familles en grande difficulté dans l’attribution des logements sociaux, alors que nous incluons aussi d’autres types de ménages, ce qui explique que nous voulions en construire davantage. L’effort principal doit porter sur ces logements stables et pérennes, et pas seulement sur les hébergements d’urgence. Ces derniers sont évidemment indispensables, tout comme d’ailleurs les centres d’hébergement pour les migrants qu’on ne peut pas laisser dans la jungle de Calais ou ce genre de situation. Mais la logique de l’hébergement d’urgence est totalement insuffisante pour régler le problème dans la durée.
C’est un plan d’ensemble, cohérent, prenant en compte la personne sur le long terme qui est nécessaire. La Fondation Abbé Pierre le dit clairement : il n’y a pas besoin de « nouveau diagnostic, ni un grand débat national de plus. Les outils existent : les moyens et la volonté politique doivent suivre ». Nous l’avons.
Pour conclure mon discours à Marseille, j’ai lu un poème de Yánnis Rítsos. Il s’agit d’un écrivain grec, communiste, ami de Neruda et d’Aragon. Mais, peut-être vous en êtes-vous rendus compte, cette lecture a connu quelques imprévus.
En premier lieu, le vent frappant ma feuille de papier et la pliant, j’ai dû escamoter la lecture d’une strophe dont la moitié des lignes était soustraite à mon regard. Puis, en prenant ma deuxième feuille alors que j’avais commencée à lire les premiers mots, j’ai butté sur une erreur de copie de mon imprimante : horreur, quelques-uns des vers du bas de page étaient répétés en haut de la suivante ! Le « coiffeur du quartier » est donc revenu à mes lèvres alors que son tour était déjà passé !
Je crois que personne ne s’est aperçu de rien. En tout cas j’ai donné le change car rien n’est pire que de recommencer à lire une strophe ou deux dans une déclamation ! Mais comme j’en garde une certaine gêne et même un peu de honte – tels sont les littéraires – je me fais un devoir, ceci compensant cela peut-être, de publier à présent les vers tels que j’aurais dû les lire. Au moins sous vos yeux, et tandis que vous murmurerez les mots, l’œuvre aura repris toute sa force. Bonne lecture.
Le rêve de l’enfant, c’est la Paix,
Le rêve de la mère, c’est la Paix,
Des mots d’amour sous les arbres…
C’est la Paix…
Le père qui rentre le soir un long sourire dans les yeux
Dans ses mains un panier rempli de fruits
Et sur son front des gouttes de sueur qui ressemblent
Aux gouttes d’eau gelées de la cruche posée sur la fenêtre…
C’est la Paix….
Quand se referment les cicatrices sur le visage blessé du monde
Et que dans les cratères creusés, on plante des arbres;
Quand, dans les cœurs carbonisés par la fournaise,
L’espoir fait ressurgir les premiers bourgeons
Et que les morts peuvent enfin se coucher sur le côté
Et dormir sans aucune plainte, assurés que leur sang
N’a pas coulé en vain…
C’est la Paix….
La Paix, c’est la bonne odeur des repas,
Le soir quand l’arrêt d’une voiture sur la route
Ne provoque aucune peur,
Et que celui qui frappe à la porte, ne peut être qu’un ami
Et qu’à n’importe quelle heure, la fenêtre ne peut s’ouvrir
Que sur le ciel et laissant nos yeux refléter comme une fête
Des cloches lointaines de ses couleurs…
C’est la Paix….
Quand les prisons deviennent des bibliothèques
Et que de porte en porte, une chanson s’en va dans la nuit…
Quand la lune du printemps sort des nuages semblables
A l’ouvrier qui le samedi soir sort fraîchement rasé
De chez le coiffeur du quartier…
C’est la Paix…
La Paix, ce sont des meules rayonnantes dans les champs de l’été
C’est l’alphabet de la beauté sur les genoux de l’aube.
Quand tu dis, mon frère, demain, nous construirons,
Quand nous construisons et que nous chantons…
C’est la Paix…
Quand la nuit ne prend que peu de place dans le cœur
Et que les cheminées nous montrent du doigt le chemin du bonheur,
Quand le poète et le prolétaire peuvent à égalité
Respirer le parfum du grand œillet du crépuscule…
C’est la Paix…
Mes frères, c’est dans la Paix que nous respirons à pleins poumons
L’univers entier avec tous ses rêves…
Mes frères, mes sœurs, donnez-vous la main…
C’est cela la Paix.