
Nicolas Maduro en campagne, Maracay, mai 2018. Photo: Fania Rodriguez, Brasil de Fato

Nicolas Maduro lance le Mouvement national de formation théâtrale César Rengifo, le 21 octobre 2013.
Le Venezuela se prépare aux élections présidentielles. Face à la
menace des Etats-Unis et la nécessité de soutenir une révolution qui
donne encore de l’espoir au continent.
Caracas vit au rythme de la rage et de la caraïbe. Ce n’est pas un
bal de débutantes. Le transport y est une bataille, le distributeur
d’argent y est une bataille, la pharmacie y est une bataille, les prix y
sont une bataille. C’est une guerre qui éclate comme les tempêtes
tropicales décrites par Maïakovsky : Il ne reste que peu d’air entre tant de pluie. Mais il
ne pleut pas à Caracas, il y a des semaines de transition entre soleil
et pluie, une sécheresse nuageuse. L’eau se recycle, elle passe de seau
en bassine, on y fait attention dans la douche, dans la cuisine. Et
quand revient son bruit dans les tuyaux, c’est la fête dans les maisons.
Nous marchons au bord des limites, comme d’habitude.
Personne n’aurait dit que nous arriverions jusque là, en mai 2018.
Ni avec des dés, ni en lisant les cendres de cigare, ni en appliquant de
manière méticuleuse les hypothèses bien huilées qui ont donné des
résultats dans les autres pays. Ce processus a pour habitude de ne pas
respecter les règles, de frapper comme frappe le gitan du film Snatch,
quand tout le monde le voit vaincu, que des millions ont été misé sur
sa défaite, et qu’il se lève avec un poing droit qui casse les
pronostics et laisse l’autre sur le tapis. Au tapis, il y a la droite
vénézuélienne, qui ne se remet pas de la défaite de l’année dernière,
quand elle a cherché à prendre le pouvoir politique avec les pires
venins inoculés pendant des années dans sa base sociale et l’entrée en
scène de groupes armés, entraînés pour des assauts violents. C’est
pourquoi le gros de cette droite ne va pas aux élections. Et ceux qui
avaient investi sur elle ont déchiffré son incapacité à convaincre les
majorités. Je parle des Etats-Unis, impérialisme à l’ère des disputes
géopolitiques ouvertes, condensées dans des pays comme la Syrie.
Ils veulent nous faire capoter. Que le pays s’effondre, que nous
revenions aux misères qui ont engendré le cycle de la révolution, cette
fois-ci pour tout faire chavirer, couler au niveau matériel et au niveau
des idées. Ils le répètent avec l’impunité du pouvoir de leurs grands
médias, semaine après semaine, ils annoncent d’autres attaques
économiques, encore plus d’asphyxie par un blocus qui cherche à empêcher
les importations, les transactions, les renégociations, en dollars et
encryptomoneda Petro. Leur nouveau coup sera, et c’est déjà prévu, de ne pas reconnaître le président élu qui, selon les sondages, sera Nicolás Maduro.
S’il gagne c’est par l’unité du chavisme autour de sa candidature, une
base sociale historique, le poids de Chávez, et par la faiblesse de ses
adversaires électoraux : Henry Falcón, ex chaviste, qui promet une
dollarisation de l’économie (il se garde bien d’expliquer comment il le
fera), et l’outsider évangéliste conservateur Javier Bertucci.
Tout n’est pas de la faute de l’impérialisme. C’est aussi évident
que l’existence de l’impérialisme. Poser cela au centre de la scène
permet de situer le conflit et ses dimensions, le ring où nous nous
trouvons.

Le pain, le distributeur de monnaie, le transport, les prix et les
médicaments font partie de cette trame géopolitique, sa manifestation
immédiate, quotidienne, la forme qui impacte la bouche de chacun. La
stratégie d’usure est une oeuvre élaborée, pas improvisée. Elle fait mal
là où ça fait le plus mal, elle s’articule sur les misères et les
contradictions du processus, la corruption, l’indolence, les
compromissions pour obtenir une maison, une voiture, un compte en
banque. Les effets du cadre économique sur le tissu social changent à mesure que la situation se prolonge.
On peut le voir, à quelques jours des prochaines élections
présidentielles qui auront lieu le 20 mai : Alors qu’une partie des
gens, du chavisme, parle de la campagne, milite, suit les infos, une
autre partie est immergée dans la résolution des batailles quotidiennes
qui n’arrêtent pas, et qui ne se calment que de temps en temps sur
certains points. Il y a plusieurs temps superposés dans les territoires
où s’est fondé le chavisme.
Ces temps sont exigeants. Ils demandent à ce qu’on reprenne le
contrôle sur une économie qui semble effrénée, particulièrement sur les
prix, qu’on exerce l’autorité, que soit freinée cette course où beaucoup
ont fait de petites, moyennes ou très juteuses affaires sur les
besoins, que les dirigeants reprennent le langage des rues, qu’ils
fassent de la politique à la Chavez, que la lutte contre la corruption
qui s’est développée soit approfondie, que les promesses de campagne ne
soient pas seulement des promesses de campagne mais des faits. C’est une
demande adressée aux dirigeants, au Parti Socialiste Uni du Venezuela,
aux institutions, à la révolution en tant qu’espace de construction,
d’espoir, d’identité.
Nous ne sommes pas dans une crise humanitaire, ce concept
politique installé par les Etats Unis et répété jusqu’à la nausée par
les grands médias pour justifier les attaques et diaboliser par l’effroi
dès que l’on prononce le nom du Venezuela. Nous sommes dans un
cadre de recul des espaces qui avaient été conquis, qui pousse à des
reconversions économiques pour arriver à finir le mois ou la quinzaine,
en jonglant avec les chiffres pour que ça rentre. Le cas des transferts
de fonds en est un exemple très clair : Cent dollars, ce qui est très
peu dans un autre pays, servent à résoudre une grande partie des besoins
mensuels.


Ainsi, de même qu’il était impossible ou presque, il y a un an, de
pronostiquer que ce mois de mai nous trouverait aux portes d’élections
présidentielles avec une possibilité de victoire de Maduro, il est
impossible de pronostiquer ce qui se passera dans un an. Le prochain
pas, c’est de garantir la continuité du pouvoir politique le 20 mai.
C’est indispensable au niveau national et continental, niveau que
l’impérialisme ne perd jamais de vue. Il n’existe pas trois blocs,
il n’y en a que deux. C’est à l’intérieur du processus, du chavisme en
tant que courant historique, que peuvent se construire des solutions aux
urgences du quotidien dans une perspective stratégique. Il serait trop
tard de s’en rendre compte après, avec des classes dominantes
déchargeant sans freins et sans demi-mesures leur revanche jusque dans
nos maisons.
Nous sommes face à nous mêmes : Histoire, rage, caribéens,
latinoaméricains, avec nos passions et nos pauvretés, dans une époque
qui défie nos générations réunies autour du Venezuela. Il y a dans ce
destin un destin commun, qui marque ce que nous pourrons, ou pas, dans
les prochaines années. Ceux qui nous ont précédé, comme ceux qui
viendront et chercheront ce que nous aurons réussi, nous regardent.