Cervantes

Hoy es el día más hermoso de nuestra vida, querido Sancho; los obstáculos más grandes, nuestras propias indecisiones; nuestro enemigo más fuerte, el miedo al poderoso y a nosotros mismos; la cosa más fácil, equivocarnos; la más destructiva, la mentira y el egoísmo; la peor derrota, el desaliento; los defectos más peligrosos, la soberbia y el rencor; las sensaciones más gratas, la buena conciencia, el esfuerzo para ser mejores sin ser perfectos, y sobretodo, la disposición para hacer el bien y combatir la injusticia dondequiera que esté.

MIGUEL DE CERVANTES
Don Quijote de la Mancha.

30 de julio de 2024

« C’EST À ÇA QUE RESSEMBLE LA DÉMOCRATIE » : LA PROCHAINE PHASE DU CHAVISME, PAR JODI DEAN

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L’auteure : Jodi Dean est une politologue états-unienne, professeure au département de sciences politiques des Hobart and William Smith Colleges à New York. Professeure de sciences humaines à la faculté de philosophie de l’université Erasmus de Rotterdam. Licence d’Histoire à l’Université de Princeton, maîtrise et doctorat à l’Université de Columbia. Enseigne actuellement la théorie politique et l’étude des médias à Genève et à New York.

Peu avant minuit, le 28 juillet, le Conseil National électoral (CNE) du Venezuela a annoncé qu’avec 80 % des plus de 20 millions de votes dépouillés, la tendance était irréversible : Nicolás Maduro a été réélu président du Venezuela.

Selon le CNE, M. Maduro a obtenu 51,2 % des voix, tandis que son principal adversaire, le peu connu Edmundo Gonzalez, en a obtenu 44,02 %. Ce résultat montre clairement que la majorité des Vénézuéliens a choisi de poursuivre le projet de socialisme bolivarien introduit par Hugo Chávez à la fin des années quatre-vingt-dix. Reconnaissant le redressement économique des deux dernières années et fiers des résultats obtenus dans la construction de 5,1 millions de logements, la garantie de la souveraineté alimentaire et l’approfondissement de la démocratie comme pouvoir donné aux organisations communardes, les Vénézuéliens ont réélu Maduro pour un troisième mandat de six ans.

Ancien ambassadeur en Argentine et mêlé aux opérations de tortures et d’assassinats contre la guérilla de gauche depuis l’ambassade du Venezuela au Salvador dans les années 80, le candidat de l’opposition Gonzalez a remplacé la dirigeante d’extrême droite Maria Corina Machado en tant que candidate de la Plate-forme de l’unité après que cette dernière ait été disqualifiée.

Machado a longtemps critiqué ouvertement le chavisme, soutenant les sanctions états-uniennes et préconisant une intervention étrangère dans le pays. En 2018, elle a demandé à Benjamin Netanyahu une assistance militaire pour renverser le gouvernement Maduro. Mme Machado entretient des liens étroits avec les États-Unis. En 2009, elle a été « Yale World Fellow ».
Le 23 juin 2024, elle a pris la parole lors d’une cérémonie de remise des prix de la National Endowment for Democracy à Washington, DC. Elle a été surnommée la nouvelle « dame de fer », en référence à son idole Margaret Thatcher. En revanche, M. Maduro soutient la lutte de libération palestinienne, qu’il associe à la lutte des peuples indigènes du Venezuela contre le génocide colonial.

Le Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV) a organisé plus de 200.000 équipes de quartier dans tout le pays dans le cadre de sa stratégie électorale. La plupart de ces unités étaient dirigées par des femmes, qui ont réveillé leurs communautés tôt le jour des élections pour les encourager à se rendre aux urnes. L’un des principaux messages était « 1 + 10 » : chaque électeur doit être accompagné de dix amis.
M. Maduro était également le candidat présidentiel de douze autres partis progressistes. L’un des symboles de sa campagne était le coq bariolé, populaire dans la culture ouvrière des combats de coqs, qui représente un combattant féroce et intrépide. Tout au long de la campagne, M. Maduro a cherché à élaborer un socialisme populaire, humaniste et chrétien, dont l’héritage s’étend des luttes indigènes, esclavagistes, paysannes et anticoloniales aux luttes actuelles du Venezuela contre l’oligarchie et l’impérialisme.

La victoire de M. Maduro a été saluée par les dirigeants de toute l’Amérique latine et des Caraïbes, avec des appels et des tweets de félicitations du Nicaragua, de Cuba, de la Bolivie et du Honduras, d’une centaine de mouvements sociaux de tout le continent, ainsi que de nombreux autres pays d’Afrique et d’Asie. Moins d’une heure avant l’annonce des résultats officiels, le président argentin d’extrême droite Javier Milei a tweeté que la droite avait remporté une victoire écrasante en battant la « dictature communiste au Venezuela ». L’Argentine faisait partie d’un groupe de pays ayant publié une déclaration de préoccupation concernant l’élection plus tôt dans la soirée, dans le cadre d’une tentative attendue de discréditer les résultats à l’avance. Les autres signataires sont l’Uruguay, le Paraguay, le Pérou, le Panama, le Costa Rica, l’Équateur, le Guatemala et la République dominicaine.

Fidèles à leur habitude de saper la démocratie au Venezuela et dans l’ensemble de la région, les États-Unis ont mis en doute les résultats de l’élection. Le secrétaire d’État Antony Blinken a déclaré que « les États-Unis sont très préoccupés » par les résultats annoncés – un sentiment prévisible compte tenu de l’opposition de longue date de l’administration Biden au gouvernement Maduro et de son récent rétablissement des sanctions à son encontre.

Depuis Caracas, je peux attester que les doutes des États-Unis sont injustifiés. Lors des précédentes élections au Venezuela, les observateurs électoraux ont soutenu la capacité des autorités électorales vénézuéliennes à organiser des élections propres, loin du scepticisme organisé par les États-Unis – et les candidats de l’opposition ont souvent gagné lors de ces élections. Le Venezuela dispose de l’un des systèmes de vote les plus avancés au monde. Il comprend de multiples étapes pour vérifier l’identité des électeurs, l’exactitude des totalisations et la fiabilité des résultats. Bien que certains observateurs internationaux, comme le Brésil et le Mexique, aient demandé un compte rendu complet des « actas » compilées par le CNE, le système vénézuélien a généralement inspiré confiance pour son accessibilité et sa sécurité lors des élections précédentes.

En fait, les doutes des États-Unis concernant les élections au Venezuela sont moins liés à la crainte que la voix du peuple ne soit pas entendue qu’à ce qu’elle le soit. La révolution bolivarienne rejette l’impérialisme états-unien. Elle démontre que même des sanctions cruelles et des armées de bots sur les réseaux sociaux menant une guerre psychologique incessante ne peuvent vaincre un peuple déterminé à être libre. Dans le discours qu’il a prononcé devant les chavistes rassemblés au palais présidentiel de Miraflores après l’annonce de sa victoire, M. Maduro a décrit une attaque massive de pirates informatiques qui a été déjouée tôt le matin dans sa tentative de perturber le système de transmission des données électorales.

La dernière décennie de sanctions et d’hyperinflation a été extrêmement difficile pour le Venezuela. Le PIB a chuté de 80 % en moins de dix ans. Plus de 7 millions de personnes ont quitté le pays. L’assassinat du jeune Orlando Jose Figuera (brûlé vivant parce que « noir, donc chaviste ») par des opposants d’extrême droite en 2017, la tentative d’assassinat de Maduro en 2018, le coup d’État soutenu par les États-Unis avec l’autoproclamation de Juan Guaido en 2019 et l’invasion de type « keystone cop » mettant en scène d’anciens bérets verts américains mercenaires en 2020, ont démontré la violence des opposants à la révolution et de leurs bailleurs de fonds impérialistes.
Néanmoins, le peuple vénézuélien reste fidèle à son engagement en faveur de la paix, de la dignité, du dialogue et de l’État de droit, comme l’a souligné M. Maduro dans de nombreux discours au cours de la dernière semaine de la campagne. Leur foi dans le projet bolivarien témoigne des résultats concrets obtenus par le gouvernement socialiste pour surmonter les 936 sanctions imposées au pays par les gouvernements occidentaux, et de transformer l’adversité en opportunité.

La victoire des chavistes s’inscrit dans la dynamique des victoires de la gauche au Mexique et en France. Le triomphe contre l’impérialisme inspire les mouvements populaires à travers le monde, contribuant au sentiment que nous sommes dans la période d’un nouvel internationalisme. Le néolibéralisme s’effondre et une bataille est en cours pour savoir ce qui le remplacera : la guerre et l’oppression ou la paix et la solidarité ? Le refus de l’opposition d’accepter les résultats de l’élection et, en fait, sa volonté de redoubler d’efforts en affirmant avoir obtenu plus de 70 % des voix et en incitant à la violence dans tout le pays montrent que la bataille ne sera pas facile.
Mais le courage des Vénézuéliens, qui continuent à construire un socialisme démocratique bolivarien, prouve qu’un avenir de communautés prospères est possible – lorsque les gens ont la volonté de les défendre.

Jodi Dean

Photos : @nawseas (« X« )

Source : « This Is What Democracy Looks Like »: Chavismo’s Next Phase. Professor Jodi Dean’s Reflections from Caracas https://progressive.international/wire/2024-07-30-this-is-what-democracy-looks-like/en

Traduction : Thierry Deronne

URL de cet article : https://venezuelainfos.wordpress.com/2024/07/30/cest-a-ca-que-ressemble-la-democratie-la-prochaine-phase-du-chavisme-par-jodi-dean/

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