(Note de Venezuelainfos Le 18 octobre, à Caracas, le Ministre des Affaires Étrangères du Venezuela, Yvan Gil, a tenu une conférence avec l'ambassadrice du Brésil et l'ambassadeur de Russie. Il a dénoncé les 936 sanctions occidentales contre la révolution bolivarienne et en général contre les nations émergentes. Le vénézuélien a expliqué pourquoi les BRICS représentent un espoir pour ces nations, avec son modèle basé sur la coopération et la lutte contre la pauvreté. Il a cité en exemples les politiques mises en œuvre par la Chine et le Brésil. L'ambassadrice du Brésil, Gilvana Maria de Oliveira, a condamné les mesures coercitives unilatérales imposées par l'Occident, rappelant qu'elles violent la Charte de l'ONU et portent gravement atteinte aux droits humains. L'ambassadeur russe à Caracas, Sergey Mélik-Bagdasárov, a salué la participation de la nation bolivarienne à la réunion des ministres des Affaires étrangères des BRICS de juin 2024 et a le rôle du gouvernement vénézuélien dans la lutte contre le colonialisme au sein de l'ONU.
Ignacio Ramonet déchiffre le nouveau visage du monde.
Les BRICS, le Sud global et la nouvelle géopolitique mondiale
Le 16e sommet des BRICS+ se tiendra du 22 au 24 octobre à Kazan, en Russie. Les cinq pays nouvellement cooptés, à savoir l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, l'Égypte, l'Iran et l'Éthiopie, participeront à ce sommet. La nouvelle alliance BRICS+, qui compte 10 membres, définira les grandes orientations du groupe pour un partenariat renforcé qui transforme radicalement la géopolitique mondiale.
Quelque 59 pays d'Asie, d'Afrique, d'Europe de l'Est et d'Amérique Latine ont exprimé leur intérêt à rejoindre les BRICS+, y compris la Turquie, ce qui est considérable quand on sait que la Turquie est membre de l'OTAN et aspire à rejoindre l'Union Européenne. Les autres candidats à l'adhésion aux BRICS+ sont le Venezuela, la Colombie, la Bolivie, Cuba, le Honduras, la Biélorussie, l'Indonésie, la Thaïlande, la Malaisie, le Kazakhstan, l'Algérie, le Koweït, la République démocratique du Congo, le Nigeria, le Gabon et la Serbie. Les candidatures du Venezuela, de la Colombie, du Honduras et de la Bolivie, en particulier, constituent un sérieux revers pour les États-Unis, qui perdent de l'influence dans leur ancienne arrière-cour.
En 2023, les échanges commerciaux au sein des BRICS ont augmenté de manière significative et devraient atteindre 500 milliards de dollars d'ici 2024. Le projet clé des BRICS est la dédollarisation, qui vise à réduire leur dépendance à l'égard du dollar états-unien en favorisant l'utilisation de leurs propres monnaies. La Chine et la Russie sont à la tête des efforts déployés pour réaliser ce projet par des actions concrètes. Cinq pays exportateurs de pétrole font désormais partie des BRICS+. Si ces nations décident d'exiger le paiement du pétrole en monnaie locale, l'impact sur le dollar américain pourrait être très important. Cela renforcerait l'autonomie des BRICS dans la finance internationale et réduirait leur dépendance à l'égard du dollar américain et des systèmes financiers occidentaux tels que SWIFT. Les discussions font place à des actions concrètes, permettant l'utilisation des monnaies des BRICS, voire d'une éventuelle nouvelle monnaie commune.
Cette évolution est un élément clé du programme BRICS+ 2024, qui vise à renforcer leur rôle sur la scène financière mondiale. Des travaux sont en cours pour développer une plateforme multilatérale de paiements numériques BRICS Bridge, visant à améliorer l'efficacité du système commercial entre les membres.
Les pays du Sud manifestent leur volonté de mettre en place un ordre financier alternatif qui leur permette de contourner le FMI et le dollar, grâce notamment à la Nouvelle Banque de Développement des BRICS+, actuellement dirigée par Dilma Rousseff, qui réunit toutes les conditions pour devenir la grande banque du Sud puisqu'elle prêtera de l'argent dans la perspective d'aider les pays et non de les asphyxier.
Récemment, Vladimir Poutine a également émis l'idée de construire son propre Parlement des BRICS.Un tel Parlement, une ONU alternative, permettrait de transformer les BRICS+ en une organisation ayant vocation à défier et à compenser le déséquilibre qui existe aujourd'hui au sein des Nations Unies.
Les BRICS resserrent également leurs liens avec l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS), fondée en 2001 par la Chine, la Russie, le Kazakhstan, le Kirghizstan, l'Ouzbékistan et le Tadjikistan, à laquelle se joindront l'Inde et le Pakistan en 2016, l'Iran en 2021 et la Biélorussie en 2024. L'OCS vise à garantir la sécurité collective contre le terrorisme, l'extrémisme et le séparatisme.
L'attrait des BRICS se fait également sentir en Europe, où des pays comme la Serbie aspirent à devenir membre des BRICS+ et de l'UE en même temps. Certains membres de l'UE souhaitent explorer les possibilités de collaboration avec les BRICS. Par exemple, en ce qui concerne l'Afrique, ils estiment qu'il serait pertinent d'explorer les synergies entre l'aide européenne et l'assistance des BRICS, tout en respectant les principes de non-ingérence et l'identité culturelle et politique des pays africains. Une telle coopération pourrait offrir des opportunités prometteuses pour des partenariats constructifs entre l'UE et les BRICS.
Les BRICS sont le fer de lance de ce que l'on appelle le Sud global, c'est-à-dire les pays anciennement appelés tiers-monde, où vivent les trois quarts de l'humanité, principales victimes des effets néfastes de la mondialisation, mais qui possèdent l'essentiel de la diversité génétique de la planète, des espèces uniques et des écosystèmes fragiles et qui refusent de s'aligner sur l'un ou l'autre des puissants pays du Nord global, l'autre nom de l'Occident.
Le dénominateur commun de ces pays est leur ancien statut de colonies ou de protectorats de certains pays du Nord. En ce sens, l'émergence du Sud global s'inscrit dans la lignée de la Conférence tricontinentale tenue à La Havane en 1966. Le Sud remet en question l'ordre mondial actuel.
Le traitement très différent de la Russie et d'Israël par le Nord lors des conflits actuels en Ukraine et à Gaza, respectivement, suscite un sentiment de protestation parmi les pays du Sud : la conviction que l'Occident n'applique pas les mêmes règles partout et fait preuve d'un profond cynisme.
La montée en puissance des BRICS+ et, plus largement, de l'ensemble des pays du Sud ne peut plus être ignorée. Les États-Unis et leurs alliés occidentaux sont profondément préoccupés par la montée de ces nouvelles puissances qui remettent en cause l'ordre mondial dominé - depuis cinq siècles - par l'Occident et rejettent, plus particulièrement, l'hégémonie et les ambitions unipolaires de Washington.
Ignacio Ramonet
Source : https://www.jornada.com.mx/2024/10/19/opinion/012a2pol
Traduction de l'espagnol : Thierry Deronne