Le Monde.fr avec AFP et AP | • Mis à jour le
Les centrales syndicales grecques du privé et du public, GSEE et Adedy, ont appelé mercredi 12 juin à une grève générale de vingt-quatre heures jeudi et à un rassemblement devant le siège de la radio-télévision publique, ERT, à Athènes, pour protester contre la décision brutale du gouvernement de fermer ce service public.
Qualifiant de "coup d'Etat", la décision du gouvernement de fermer l'Ellinikí Radiofonía Tileórasi (Radio télévision hellénique, ERT), la Genikí Synomospondía Ergatón Elládos (Confédération générale des travailleurs grecs, GSEE) s'oppose dans un communiqué "à la persistance du gouvernement de prendre des décisions antidémocratiques extrêmes". Les fonctionnaires, les journalistes et les marins seront également en grève, selon leurs syndicats.
Les salariés d'ERT ont appris leur licenciement avant l'extinction du signal télévisé, peu avant 23 heures, mardi. Ils occupaient mercredi le siège d'ERT, soutenus par des milliers de manifestants, présents à l'extérieur du bâtiment, et maintenaient leurs émissions, relayées par 902, une chaîne de télévision locale du Parti communiste de Grèce.
Les trois chaînes ont elle bien cessé d'émettre, mardi 11 juin, et les écrans sont restés noirs après ces toutes dernières images.
Le porte-parole du gouvernement, Simos Kedikoglou, avait brutalement annoncé la fermeture immédiate de la télévision publique, mardi 11 juin, engageant une épreuve de force inédite avec les syndicats, sous la pression de ses bailleurs de fonds internationaux. L'ERT constitue "un cas exceptionnel d'absence de transparence et de dépenses incroyables. Et tout cela prend fin maintenant", a-t-il déclaré.
Des milliers de personnes ont afflué mardi soir autour du siège de la télévision publique, dans la banlieue nord d'Athènes, peu avant sa fermeture.
Cette mesure radicale et sans précédent a été annoncée sans préavis au moment où les chefs de file de la "troïka" des créanciers de la Grèce sont à Athènes. L'ERT appartient aux multiples organismes d'Etat qui devaient être restructurés ou fusionnés, en vertu du protocole d'accord signé entre la Grèce et ses bailleurs de fonds.
LES "EXIGENCES DE LA TROÏKA"
Selon les syndicats, en fermant l'ERT, le gouvernement remplit d'un coup l'objectif assigné par les créanciers de la Grèce de supprimer deux mille emplois publics d'ici à la fin de juin. C'est une "solution facile pour répondre aux exigences de la troïka", souligne le syndicat Poesy, tandis que la Confédération des syndicats des fonctionnaires publics (Adedy) a qualifié le texte législatif de "coup d'Etat".
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"UNE SITUATION PAREILLE N'EST JAMAIS ARRIVÉE NULLE PART"
"C'est un choc total", a commenté un journaliste de la rédaction, Pantelis Gonos, tandis que "le gouvernement, sans consultation ni discussion, a choqué tout le monde en annonçant la suspension à minuit de la télévision. Tous les écrans vont être noirs et personne ne sait quand elle rouvrira", a-t-il dit.
Slate.fr s'est entretenu avec le journaliste Vangelis Demeris, correspondant à Bruxelles d'ERT de 2001 à février 2013. Ce dernier évoque un "scandale". "L'ERT est la source majeure d'information pour l'opinion publique. Le paysage audiovisuel grec est très fragmenté. Les chaînes privées sont détenues par différents groupes, mais elles sont beaucoup moins rigoureuses sur le plan de l'information : elles jouent sur l'impression, pas sur les faits. L'ERT est très portée sur l'information dans l'ensemble. Il y a différentes chaînes avec différents rôles, mais les JT d'ERT sont très regardés. Les débats autour de la crise économique se sont surtout tenus sur les chaînes publiques. Personnellement, j'ai aussi travaillé dans le privé, et la qualité des débats n'a rien à voir, c'est vraiment meilleur dans le public. C'est extrêmement grave pour la démocratie", explique-t-il.
Ce journaliste n'exclut pas une grève des collègues journalistes de tous les médias par solidarité : "Et donc il n'y aurait plus d'information. Une situation pareille n'est jamais arrivée nulle part. Ça n'est jamais arrivé."