Des
manifestants favorables à une taxe Tobin déguisés en François Hollande
et Angela Merkel à Berlin, le 7 mai 2012 (ZINKEN/DAPD/SIPA)
Le prochain gouvernement de la chancelière Angela Merkel, qui doit naître des actuelles négociations qu’elle mène avec les socio-démocrates allemands, s’apprête à relancer le projet, qui a du plomb dans l’aile depuis quelques mois.
Trois grands partis pour la taxe Tobin
Comme on le sait, la CDU/CSU d’Angela Merkel n’a pas la majorité absolue au Parlement et doit discuter avec le SPD. Or, celui-ci a exigé, entre autres, que l’Allemagne se montre plus audacieuse dans la mise en place de la « Tobin tax ».Depuis quelques mois, Merkel faisait plutôt partie de ceux qui, dans l’eurozone, freinaient sur ce dossier. Les banques ont mené contre ce projet un « furieux lobbying », pour reprendre les mots de l’agence Reuters, et des experts européens ont mis en garde contre les risques du projet. Mais la négociation pour une grande coalition en Allemagne lui redonne des chances.
« Nous sommes tombés d’accord pour aller de l’avant sur la taxe sur les transactions financières », a déclaré mercredi Martin Schulz, négociateur du SPD (et président du Parlement européen).
Herbert Reul, le négociateur de la CDU pour l’Europe, a commenté :
« Ce qui est nouveau, c’est que trois grands partis d’une grande coalition vont mettre cela au programme et le pousser. »
Inversion des rôles
Par une bizarrerie de l’histoire, en France, l’heure est plutôt au coup de froid sur la taxe Tobin.Il y a un an, onze des dix-sept pays de la zone euro avaient accepté le principe de cette taxe poussée depuis longtemps par la France. Mais le ministre des Finances Pierre Moscovici est devenu beaucoup plus réservé. La promesse de François Hollande – « Cette taxe, nous ne pouvons plus en parler uniquement, il faut la faire » (juin 2012) – semble bien lointaine. En juillet, Moscovici a même parlé, à propos de cette ponction de 0,1% sur les échanges d’actions et d’obligations, et de 0,01% sur les produits dérivés, de mesure « excessive ».
Dans une interview au Financial Times, dimanche encore, le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, a fustigé la « Robin Hood tax » : telle qu’elle est conçue, elle ferait courir un risque énorme aux pays qui l’adopteraient et elle menacerait la stabilité financière. A l’écouter, le projet de la Commission est un « non starter » (ce qu’on peut traduire par « ni fait, ni à faire ») et doit être entièrement révisé :
« Je ne pense pas qu’il ait jamais été dans l’intention du gouvernement français de faire quelque chose qui entraînerait la destruction de pans entiers de l’industrie de la finance française, une externalisation massive des emplois et, du même coup, endommagerait l’économie dans son ensemble. »Selon lui, la taxe Tobin telle qu’elle est conçue par la Commission entraînerait une hausse du coût des emprunts publics et privés, amoindrirait la liquidité sur les marchés et affecterait l’efficacité de la politique monétaire de la BCE.
Pas d’avancées sur les autres dossiers
L’Allemagne pourrait prendre, au sein de l’eurozone, la place de la France dans le rôle du héraut de la taxe sur les transactions financières.Mais si Merkel a accepté la taxe Tobin, elle est restée fermée aux autres demandes du SPD :
- sur le dossier de l’union bancaire européen : les socio-démocrates et les chrétiens-démocrates n’ont pu se mettre d’accord sur la nécessité de renforcer le contrôle européen sur les grandes banques, en cas de difficulté d’un établissement. Ils se sont donnés jusqu’à mi-novembre pour trouver un compromis. Le gouvernement Merkel traîne des pieds sur ce dossier pourtant capital. Mardi 15 octobre, à Luxembourg, les ministres n’ont pas avancé d’un orteil ;
- sur la mutualisation des dettes publiques européennes, qui permettrait selon le SPD de casser la spéculation contre tel ou tel pays, la CDU/CSU est restée inflexible.