“Nous n’allons pas faire la guerre, mais nous allons sécuriser notre frontière”, lance le quotidien progouvernemental Yeni Safak, à propos de l’intervention au nord de la Syrie qui, depuis quelques jours, se précise du côté turc. Lors du conseil de Défense qui s’est déroulé lundi 29 juin, l’armée a reçu l’ordre d’accélérer les préparatifs.
L’intervention prévoit l’instauration d’une “zone sécurisée” dans la région de Jerablus, qui est aux mains de l’Etat islamique mais ‘menacée’ par les Kurdes. “Nous n’avons malheureusement plus le choix, une intervention est devenue nécessaire”, assure le journaliste Abdulkadir Selvi. D’une longueur de près de 100 km entre la ville de Mare au nord d’Alep et l’Euphrate à l’est, cette zone sera sécurisée par l’armée turque. Près de 18 000 soldats, appuyés par des chars et l’armée de l’air, mèneront l’opération.

Quels objectifs ?

La progression des Kurdes au nord de la Syrie inquiète Ankara. Les Unités de défense populaire kurdes (YPG), considérées comme une organisation terroriste par la Turquie, contrôlent deux cantons sur trois de l’autre côté de la frontière turque : Kobané et Afrin. Si les YPG prennent Jerablus, Ankara ne pourra plus empêcher l’instauration du fameux “corridor kurde” qu’il redoute tant.
Avec cette zone sécurisée, la Turquie espère atteindre plusieurs objectifs d’un coup. Dans un premier temps, cela lui permettrait de porter un coup d’arrêt à l’expansion des Kurdes. Mais Ankara pourra également installer de nombreux réfugiés syriens dans cette nouvelle zone, et renforcer l’aide à l’Armée syrienne libre (opposants au dirigeant syrien Bachar El-Assad) qui se trouve juste à l’ouest.

Nombreuses interrogations

“La guerre d’Erdogan” titre ce matin le journal d’opposition Cumhuriyet, qui remet fortement en question cette intervention militaire. “Notre principal allié, les Etats-Unis, n’est pas favorable à l’instauration de cette zone sécurisée. Quant à l’Iran, il ne veut pas entendre parler d’intervention militaire en Syrie”, poursuit le quotidien.
L’autre interrogation majeure porte sur la justification de cette intervention au regard du droit international. Il s’agirait en effet d’entrer au sein des frontières d’un Etat souverain. Or, si la Turquie ne compte pas demander d’autorisation aux Nations unies, elle devra néanmoins se justifier.