D’autre part, autre originalité de cette politique, elle engagera une véritable bifurcation de l’économie vers un modèle de développement de qualité. Ainsi, la réduction collective du temps de travail accroîtra les marges de manœuvre pour créer des centaines de milliers d’emplois, rompre avec la précarité, réduire les inégalités, notamment entre hommes et femmes, et ouvrir une autre conception du bien-être. La bifurcation de l’économie passe par des investissements d’avenir, méprisés par les marchés. Le Front de gauche propose donc de réorienter le crédit bancaire vers les projets porteurs d’un développement écologique de l’emploi, de la formation et de la recherche. Nous nous appuierons sur un pôle financier public qui associera en réseau les institutions financières publiques existantes, celles qui devront être socialisées, et les réseaux mutualistes.
L’un des leviers le plus puissant pour agir dans ce sens sera une redéfinition radicale du statut, des missions et des objectifs de la BCE. Les Etats sont obligés d’emprunter sur les marchés, ce qui augmente considérablement le coût de la dette. C’est le résultat d’une politique délibérée des gouvernements et des institutions européennes qui se sont volontairement placés sous l’emprise des marchés. Aucune politique progressiste ne sera possible si les marchés continuent à dicter leur loi. C’est pourquoi la BCE et les banques centrales nationales doivent pouvoir, sous contrôle démocratique, financer les déficits publics et racheter les titres publics sur le marché secondaire. Sans attendre la modification des traités qu’il faudra entreprendre, des marges d’action, au niveau national comme au niveau européen, peuvent déjà être mobilisées. Les 1 000 milliards d’euros que la BCE vient de prêter aux banques privées sans contrepartie sont là pour démontrer l’ampleur de ce qu’il est possible de faire si nous reprenons le pouvoir face à la finance. Un Fonds européen de développement solidaire financé en partie par la BCE et par une taxe sur les transactions financières permettra, avec la mobilisation de l’épargne populaire, de disposer des investissements publics nécessaires à la grande bifurcation de notre modèle économique. Par ailleurs, le Front de gauche mettra en place un audit citoyen de la dette qui déterminera les conditions de son remboursement.
Cette logique économique nouvelle s’appuiera sur une batterie de mesures fiscales (revenu maximum, progressivité de l’impôt sur le revenu, suppression de niches fiscales) et réglementaires (taxation des mouvements de capitaux, séparation des banques de dépôt et d’investissement, suppression des stock-options, interdiction des produits spéculatifs). Elle sera fondée sur l’exercice de nouveaux pouvoirs économiques des salariés dans l’entreprise, l’un des piliers de la VIe République sociale que nous proposons (droit de veto suspensif et de contre-propositions sur les plans de licenciements).
Cette logique peut s’appuyer sur de grandes forces sociales en Europe pour réorienter les politiques économiques et changer le cours de la mondialisation en nouant des coopérations avec les peuples des pays émergents et en développement. On nous menace d’un déchaînement des marchés financiers au lendemain des élections. Ayant seul pris la mesure de cette menace, le Front de gauche propose une nouvelle cohérence économique, sociale et écologique, appuyée sur des mesures précises pour gouverner face aux banques et reprendre le pouvoir aux marchés financiers, produire autrement, partager les richesses et abolir l’insécurité sociale.
Premiers signataires : Louis Adam commissaire aux comptes, Pierre Alary, Bruno Amable, Nicolas Beniès, Eric Berr, Frédéric Boccara, Paul Boccara, Marc Bousseyrol, Laurent Cordonnier, Yves Dimicoli, Denis Durand, Cédric Durand, Guillaume Etievant expert auprès des CE, Flacher David, Jacques Généreux, Bernard Guibert, Jean-Marie Harribey, Michel Husson, Sabina Issehane, Pierre Khalfa membre du Conseil économique, social et environnemental, Philippe Légé, Dany Lang, Jean Magniadas membre honoraire du Conseil économique social, Catherine Mills, Alain Morin, François Morin, Jean-François Ponsot, Jacques Rigaudiat ancien conseiller social des Premiers ministres Rocard et Jospin, Richard Sobel, Bruno Tinel, Stéphanie Treillet, Franck Van De Velde, Sébastien Villemot
Certains de ces signataires sont issus des universités Bordeaux-IV, université populaire de Caen, Lille-I, Paris-XIII, Paris-I, Ecole d’économie de Paris et IEP Paris.